A l’heure de la multiplication des réseaux sociaux, on pourrait se dire que la solitude tendrait à disparaitre. Hélas non. Nous avons à faire à un nouveau fléau dans notre société : l’isolement. De plus en plus de personnes expriment leur difficulté à rencontrer l’autre, se sentent seul, éprouvent l’ennui.
La solitude : une question sanitaire et sociale
L’étude sur » Les solitudes en France » effectuée en juin 2013 par la Fondation de France montre qu’ un quart de la population ne dispose pas d’un réseau amical véritablement actif […] Depuis 2010, cela représente une progression de 20%. Par cette étude, comparativement en 2010, il apparaît que la population isolée est plus jeune, plus urbaine, moins active, plus diplômée et sensiblement mieux dotée économiquement.
Une équipe de chercheurs américains de l’université de Chicago (Illinois), dirigée par le psychosociologue John Cacioppo, s’est penchée sur cette question. Les études présentées à l’Association Américaine pour l’Avancement des Sciences montrent que le sentiment d’isolement, se sentir coupés des autres, pourrait perturber le sommeil, augmenter la pression artérielle, augmenter les phénomènes de stress et de dépression et affaiblirait le système immunitaire. Le poids de la solitude pourrait être deux fois plus mortelle que l’obésité. Ainsi, se sentir relié à d’autres s’avère essentiel pour un bien être psychique et physique.
Comment le lien à l’autre peut-il être autant défaillant dans l’ère du réseau social ?
Nous nous sommes tout d’abord intéressé à savoir ce qu’est un réseau. Étymologiquement, réseau vient du latin « retis » qui signifie « filet ». Mais alors, qui se laisse prendre dans les filets ? Et bien nous tous qui utilisons et prenons part aux réseaux sociaux.
Par définition, un réseau est » un ensemble organisé dont les éléments, dépendant d’un centre, sont répartis en divers points ».
Mais quel est ce centre autour duquel nous gravitons tous et pour lequel nous sommes si dépendants ? Ils se nomment Facebook, Twitter, Instagram… Nous voilà donc en situation de dépendance et d’aliénation à ces géants financiers qui pèsent des milliards de dollars, côtés en bourse. Nous tirons notre chapeau à ce jeune Mark Zuckerberg (âgé de 29 ans) qui devient la personnalité ayant gagné le plus d’argent cette année selon le classement publié par le magazine américain Forbes : il aurait vu sa fortune augmenter de 13 milliards de dollars.
Ainsi nous sommes tous reliés virtuellement, les uns à côté des autres autour d’un centre financier important. Les réseaux sociaux nous proposent une communication de plus en plus éteinte, un lien de plus en plus découpé, en dehors de la langue, nous laissant croire au demeurant que cela permet d’être en lien.
Une perte de la langue et du lien
Lorsque nous arrivons sur un profil Facebook, nous nous retrouvons face à un « mur » (« wall »). Drôle de façon d’entrer en relation… Nous acceptons et échangeons ensuite avec des personnes inconnues qui sont sous la rubrique « Amis ». Bien étonnant de nous laisser croire que chaque rencontre fait de l’autre notre ami. Mais cela fonctionne puisque la course aux « Amis » et aux « Likes » sont de la partie.
Ensuite, est arrivé sur le marché Twitter. Les « tweets » que l’on envoie sont littéralement des « gazouillis ». Le nombre de caractères sont limités, on s’éloigne du langage et l’on nous permet de retrouver une place, celle du tout petit qui gazouille ! Twitter est défini comme un réseau social asymétrique, c’est-à-dire n’engageant pas de réciprocité. Difficile donc de maintenir une communication et d’entretenir un lien sans réciprocité.
Enfin, l’un des derniers modes de relation en réseau est Instagram (racheté par Facebook pour un milliard de dollars). Et là, plus de place au langage mais seulement à l’image.
On nous offre alors une technologie, un réseau social qui fait de nous des êtres dénués progressivement de langage … Quand le virtuel basé sur de l’image et des liens imaginaires se substitue et se veut le leurre d’une relation réelle où le contact se fait par le langage, le regard, engageant bien plus l’être dans son entier. Et c’est bien la qualité du lien et du contact qui est en jeu dans la solitude.
Alors, ne tombons pas vulgairement dans leur « filet » ! Utilisons tous ces outils technologiques en restant maîtres et en ne nous laissant pas duper ! La plus belle aliénation demeure encore celle rivée à l’Homme.