Le terme terrorisme vient du latin “ terror ” qui signifie effroi, épouvante. Initialement, le terrorisme signifiait l’action sanglante destinée à paralyser de crainte la population (en 1793, propagation de la Terreur révolutionnaire).
Le terrorisme est dans son essence un système d’idées qui légitime le meurtre comme moyen d’action politique et tout est organisé pour en convaincre les adhérents : on les assure de la valeur morale de ces meurtres. Comme le rappelle Freud, dans Malaise dans la civilisation : “ L’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité ”. Ainsi, le terrorisme délivre un permis de tuer, autorise et libère les pulsions agressives, dans une jouissance même mortifère du sacrifice (martyrs). Il existe alors un déchaînement de l’agressivité avec une jouissance toute particulière à lire dans le regard de l’autre son angoisse.
Le terroriste n’est pas là pour convaincre ou séduire (si ce n’est les éventuels partisans qu’il souhaite rallier à sa cause). Il cherche à faire valoir et donner à voir sa puissance, il publie sa cause, il contraint par la terreur, il radicalise une situation et divise en obligeant à une prise de position : chacun doit choisir son camp. Les terroristes ne sont que les pions d’un large échiquier.
Alors, nous sommes en devoir de nous demander : qui est à la place du Roi ? Dans un langage plus commun et usuel, on dirait : à qui profite le crime ? Depuis toujours et encore plus dans un monde où le discours capitaliste règne, cette phrase nous résonne en tête : “ le pouvoir c’est l’argent ! ”. Les hauts dignitaires du terrorisme se battent-ils pour une réelle croyance idéologique et politique ou bien n’est-ce là que le voile d’investissements financiers avantageux ?
Le terrorisme entretient et accroît largement le sentiment d’insécurité. Ce sentiment est intrinsèque à chacun mais il se trouve là exacerbé. L’insécurité, l’angoisse de la destruction, de l’annihilation pousse l’être humain au sentiment de persécution. Entrant alors dans des relations purement imaginaires où l’esprit critique s’évanouit pour laisser place à toutes ces méfiances, ces intentions que l’on imagine et fantasme chez l’autre, c’est dans ce moment de creux et à cette place que s’insinue lentement mais sûrement celui qui veut le pouvoir. “ Diviser pour mieux régner ” est une phrase bien populaire et pourtant nous plongeons bien souvent tête la première dans cette division que l’on nous offre. L’être humain qui est un être déjà divisé entre conscient et inconscient, entre pulsions de vie et pulsions de mort, ne ferait-il que se complaire dans l’imaginaire et se laisserait-il duper par une nouvelle division ?
Ces derniers jours, nous avons assisté au sursaut d’une Humanité unie, qui fait Un, qui n’admet de se laisser diviser. Des êtres qui font corps dans le silence ou en entonnant la Marseillaise. Cette violence du terrorisme aussi soudaine que froide et dénuée de tout affect, cette pure jouissance de la violence a fait horreur à tout un chacun : cela laisse sans voix, sans mot. C’est l’impensable, l’indicible et c’est là ce qui fait traumatisme. A l’endroit du traumatisme, de ce trou, de cet indicible, un signifiant émerge que chacun va soutenir pour rompre cette impensable et indicible jouïssance mortifère et meurtrière. Ce signifiant : “ Charlie ” !!
Des êtres se proclament et se reconnaissent sous ce signifiant “ Charlie ”, un Nom qui relie des êtres entre eux comme un Nom de famille. “ Je suis Charlie ”, “ Nous sommes Charlie ”, on assiste à une identification à “ Charlie ” car chacun s’est également identifié en tant que victime : chacun aurait pu être victime en allant faire ses courses, chacun est victime et meurtri par cette attaque de la liberté d’expression. On assiste à une attaque symbolique et une attaque du Symbolique (anéantissement d’un discours, de dessins…). S’ensuit alors une réponse Symbolique à une attaque du Symbolique. Un nom est scandé par tous : “ Charlie ”.
Par la suite, ne tient qu’à chacun de ne pas céder à la terreur, à la division, à la duperie et de conserver une pensée critique qui ne nous fasse pas basculer également, en retour, dans ce laisser aller aux pulsions agressives. Comme le dit Lacan, dans les Écrits : “De notre position de sujet, nous sommes toujours responsables.”