Une balle de calibre 5,7 x 28 mm a été retrouvée hier dans les locaux de la maison d’arrêt d’Orléans. A deux semaines de la fermeture de la prison d’Orléans et à la veille de la réforme pénale qui entre en vigueur le 1er octobre, les syndicats pénitentiaires sont une nouvelle fois en colère. Interview d’Aymeric Regneau, responsable local UFAP-UNSA et éducateur sportif.
Orléans Actu : Comment avez-vous retrouvé cette balle ?
Aymeric Regneau : Cette balle a été retrouvée en détention, surement tombée d’une poche. C’est une balle qui peut perforer des gilets pare-balles. Nous prenons très au sérieux cette découverte. Il y a forcement dans nos locaux l’arme qui va avec ce style de calibre ou un dispositif artisanal de percussion. Quand vous achetez des balles de tennis, vous achetez la raquette qui va avec non ? A mon avis, c’est pareil pour cette situation ( en photo l’arme qui pourrait utiliser ce calibre )
O-A : Comment peut-on retrouver ce type d’objet en prison ?
A-R : Notre administration passe de réforme en réforme. Après Rachida Dati et les peines planchers, nous voilà avec une réforme pénale diamétralement opposée. Nous ne savons plus à quel Saint nous vouer. En tout cas, on peut vous dire que les détenus adorent Christiane Taubira car les dernières actions de la ministre vont beaucoup dans le sens de la population pénale. Pour exemple, depuis plusieurs mois, nous ne pouvons plus fouiller les prisonniers. Je vous cite le texte officiel : « Les fouilles ne doivent plus être systématiques mais elles doivent être motivées et exceptionnelles … ». Nous savons que tous les portables, toutes les armes, toutes les drogues passent essentiellement par les parloirs. Mais nous n’avons plus le droit de fouiller. Nous sommes devenus de véritables passoires.
O-A : Les conditions seront-elles différentes sur le Centre Pénitencier Orléans-Saran ?
A-R : Ce climat délétère est national. Nous ne pouvons plus garantir la sécurité ni des détenus ni du personnel. Nous avons retrouvé récemment dans une cellule une console PSP et une chicha. Donc la personne qui veut faire rentrer une arme n’aura aucun mal. Et puis tout peut servir d’arme en prison. Il y a deux jours, un détenu a agressé un autre avec un verre et de l’eau bouillante. Il est grièvement blessé. Son bras est totalement brulé, il a des cloques partout. Nous devons absolument assurer la protection des personnes qui nous sont confiées. Dans cette histoire, la victime n’avait que quelques semaines à faire à la prison et c’était en plus un détenu sans problème. Nous devons tendre la main à ceux qui veulent s’en servir et réprimer ceux qui sèment le désordre.
O-A : pourquoi lors de votre dernière manifestation avez-vous dénoncé des prisons « 3 étoiles » ?
A-R : trouvez-vous normal d’être dans une société où vous hébergez gratuitement des personnes qui ont commis des infractions, des délits mais que d’un autre côté vous êtes incapable d’aider les plus démunis à l’extérieur ? Le ministre de la justice néerlandais souhaite que les détenus et leur famille versent à l’état 16 euros par jour passé dans leur cellule. Je trouve que c’est une très bonne chose. Cette nouvelle mesure rapporterait plus de 150 millions d’euros par an au gouvernement. Ce n’est pas aux français de payer la bêtise des autres. Pour Saran, les détenus auront écran plasma, chauffage au sol, gymnase et terrain de sport, passage du code de la route gratuitement ainsi qu’une dizaine d’activités que certaines personnes n’ont pas les moyens de se payer à l’extérieur.
Vous pouvez demander à tous les surveillants. Il n’y a pas une seule journée où je n’entends pas un détenu dire « Je m’en fous, je paye pas ». L’eau des robinets coule en continu pour refroidir les cannettes, les télés restent allumées 24 heures sur 24. Pour exemple, nous avons payé 150 000 euros de facture d’eau en 2013. Il faut les responsabiliser. Quant aux tris sélectifs, nous sommes à des années lumières de cela. L’administration devrait encourager les bons comportements. Au lieu de çà, elle privilégie les caïds pour ne pas être embêtée. A court terme, cela semble satisfaire certains.
O-A : l’autorité est-elle encore applicable en prison ?
A-R : les détenus ont de plus en plus de pouvoirs. Récemment un détenu qui comparaissait au tribunal a insulté et dénigré notre administration. Nous avons lu ses propos dans la Rep. Je suis éducateur sportif à la prison et ce dernier a réitéré les mêmes propos dans le gymnase devant les autres codétenus. J’ai déposé plainte au nom de l’administration. Son avocate est venue brandir quelques semaines plus tard sous mon nez une dizaine de courriers des détenus présents dans le gymnase racontant n’avoir rien entendu. En prison, c’est la loi du silence, cette avocate le sait très bien. On ne dénonce pas les plus forts sous peine de représailles. C’est le système tout entier qui favorise le caïdat. Le petit côté anecdotique, c’est que le journaliste de la Rep, auteur de cet article, a bien voulu diffuser la version de l’avocate mais n’a jamais voulu diffuser la mienne. Je suis d’ailleurs ulcéré quand je vois la version de certains faits divers en page 4 et 5. En tout cas, je remercie France 3 et l’Hebdo d’avoir bien voulu communiquer nos revendications. Et vous bien sur.
En résumé, nous n’avons plus de levier avec certains prisonniers. Il y a même un caïd depuis plusieurs semaines qui donnent des ordres à certains surveillants. L’administration ne bouge pas. En quartier semi-liberté, un prisonnier est rentré hier totalement ivre et un autre a menacé du personnel. L’administration ne bouge toujours pas. Pour en avoir longuement discuté avec des policiers et des gendarmes, nous avons l’impression que l’on passe notre temps à se justifier auprès de nos hiérarchies pour avoir pris telle ou telle décision. Mais nos directions ne se positionnent que très rarement en faveur du personnel. « L’effet parapluie » dans nos administrations est une tendance qui n’est pas prête de disparaitre.
O-A : rendez-vous donc au 18 octobre pour la visite des locaux ?
A-R : l’administration avait fait un communiqué pour la visite du 18 octobre. Mais visiblement il y a des gros enjeux politiques et les visites seraient annulées. La vue des locaux ne serait pas en faveur du gouvernement en place. Par contre vous constaterez que la visite des nouveaux locaux de Saran a été très médiatisée.
O-A : quel avenir pour la maison d’arrêt d’Orléans selon vous ?
A-R : dans un premier temps, il est question de tourner des films dans les locaux. Dans un deuxième temps, je ne pense pas que le gouvernement de gauche donne le terrain à notre maire de droite pour un euro symbolique. Je pense qu’ils vont bien prendre leur temps et que la prison va tomber à l’abandon pendant plusieurs mois. Mais une discothèque, comme vous l’avez écrit dans votre article du premier avril avec humour, serait une très bonne idée. Le déplacement de l’Astrolabe serait également une bonne chose. J’aime beaucoup leurs concerts et je les trouve à l’étroit au dessus de la patinoire. Les murs de la prison sont en tout cas en très bon état. Le terrain de sport, le bâtiment administratif et le bâtiment atelier sont neufs.